Problématique
Quelle est la meilleure façon de prévenir les saignements chez les personnes traitées par chimiothérapie intensive ou par greffe de cellules souches pour les cancers du sang ou de la moelle osseuse ? Devrions-nous utiliser des transfusions de plaquettes (le traitement standard actuel) ou utiliser d'autres agents au lieu (ou en complément) des transfusions de plaquettes ?
Contexte
Environ un cancer sur huit apparaît dans le sang, la moelle osseuse ou les ganglions lymphatiques. Ces cancers sont divisés en de nombreux types, tous traités de façon différente. La leucémie myéloïde aiguë et le lymphome en sont des exemples. Certains de ces cancers peuvent être guéris par une chimiothérapie à forte dose (intensive) ou par une greffe de cellules souches. Ces traitements détruisent les cellules cancéreuses mais peuvent aussi endommager les cellules sanguines normales. Les conséquences incluent notamment une réduction du nombre de plaquettes dans le sang. Les plaquettes sont essentielles pour que le sang coagule normalement. Par conséquent, tant que leur taux de plaquettes n’augmente pas, les personnes qui reçoivent ces traitements sont vulnérables aux saignements.
Les transfusions de plaquettes (prélevées sur un donneur de sang) sont souvent administrées pour tenter de prévenir les saignements chez les personnes atteintes d'un cancer du sang. Nous ne savons pas quel est le degré d’efficacité de ces plaquettes transfusées. Nous savons que la transfusion de plaquettes comporte des risques, comme la transmission d'infections. Il est possible que de meilleures façons de prévenir les saignements dans ce contexte existent. Dans le cadre de notre revue, nous avons examiné si d'autres agents pouvaient être utilisés au lieu (ou en complément) de la transfusion de plaquettes pour la prévention des saignements. Nous avons également évalué le risque d'effets secondaires graves, comme la formation de caillots sanguins anormaux (événements thromboemboliques). Les agents potentiels comprennent les plaquettes artificielles, le plasma pauvre en plaquettes, le concentré de fibrinogène, le facteur VII activé recombinant, la desmopressine et les analogues de la thrombopoïétine. Les termes et les traitements sont décrits dans le glossaire de la section « Notes publiées » de la présente revue).
Caractéristiques de l’étude
Les données sont à jour jusqu'en mai 2016. Nous avons identifié 16 essais cliniques : 10 essais terminés et 6 en cours. Nous avons inclus les 10 essais terminés dans cette revue. Six essais comprenaient des adultes atteints de leucémie myéloïde aiguë subissant une chimiothérapie intensive, deux essais comprenaient des adultes atteints d'un lymphome subissant une chimiothérapie intensive et deux essais comprenaient des adultes subissant une greffe allogénique de cellules souches. La tranche d'âge des participants se situait entre 16 et 81 ans. Les deux sexes étaient également représentés. Tous les essais ont été menés dans des pays à revenu élevé. Le fabricant de l'agent qui faisait l'objet de l'étude a parrainé huit essais et deux essais n'ont pas indiqué leur source de financement. Nous avons identifié neuf essais (536 participants) portant sur les analogues de la thrombopoïétine et un essai (18 participants) portant sur le plasma pauvre en plaquettes. Ces essais ont été menés entre 1974 et 2015. Aucun essai ne s’est intéressé aux plaquettes artificielles, au concentré de fibrinogène, au facteur VII activé recombinant ou à la desmopressine).
Résultats principaux
Pour les adultes traités avec des analogues de la thrombopoïétine, nous ne savons pas avec certitude s'il y a une différence dans le nombre de participants souffrant de saignements ou exposés à un risque de saignement menaçant le pronostic vital, ou dans le nombre de transfusions de plaquettes, le risque global de décès ou les événements thromboemboliques, car la qualité des données probantes est très faible. Nous n'avons trouvé aucun essai sur les analogues de la thrombopoïétine qui portait sur le nombre de jours où des saignements se sont produits, sur le délai entre le début de l'essai et le premier saignement ou sur la qualité de vie.
Pour les adultes traités avec du plasma pauvre en plaquettes, nous ne savons pas avec certitude s'il y a une différence dans le nombre de participants souffrant de saignements ou exposés à un risque de saignement menaçant le pronostic vital. Nous n'avons trouvé aucun essai qui portait sur le nombre de jours où des saignements se sont produits, sur le délai entre le début de l'essai et le premier saignement, sur le nombre de transfusions de plaquettes, sur le risque général de décès, sur les événements thrombo-emboliques ou sur la qualité de vie.
Qualité des données probantes
La qualité des données probantes était très faible, de sorte qu'il était difficile de tirer des conclusions ou de formuler des recommandations quant à l'utilité et l'innocuité des analogues de la thrombopoïétine ou du plasma pauvre en plaquettes. Il n'y avait aucune donnée probante issue d'essai sur les plaquettes artificielles, le concentré de fibrinogène, le facteur VII activé recombinant ou la desmopressine.
Les données probantes sont insuffisantes pour déterminer si le plasma pauvre en plaquettes ou les analogues de la TPO réduisent les saignements chez les participants atteints de hémopathies malignes subissant une chimiothérapie intensive ou une greffe de cellules souches. Pour détecter une diminution de la proportion de participants présentant des saignements cliniquement significatifs de 12 sur 100 à 6 sur 100, il faudrait un essai comprenant au moins 708 participants (80 % de puissance, 5 % de signification). Les six essais en cours fourniront des informations supplémentaires sur la comparaison des analogues de la TPO (424 participants), mais la puissance statistique sera encore insuffisante pour démontrer ce niveau de réduction du nombre de saignements. Aucun des essais inclus ou en cours n'inclut des enfants. Aucun essai terminé ou en cours n'évalue les substituts de plaquettes artificielles, le concentré de fibrinogène, le facteur VII activé recombinant ou la desmopressine chez les personnes subissant une chimiothérapie intensive ou une greffe de cellules souches pour des hémopathies malignes.
Les transfusions de plaquettes sont utilisées dans la pratique clinique moderne pour prévenir et traiter les saignements chez les personnes atteintes de thrombocytopénie. Bien que des progrès considérables aient été réalisés dans le domaine de la thérapie transfusionnelle de plaquettes depuis le milieu des années 1970, certains domaines suscitent toujours des débats, notamment en ce qui concerne l'utilisation des transfusions de plaquettes prophylactiques pour la prévention des saignements thrombocytopéniques.
Déterminer si les agents qui peuvent être utilisés comme substituts ou adjuvants aux transfusions de plaquettes chez les personnes atteintes d'une hématopathie maligne subissant une chimiothérapie intensive ou une greffe de cellules souches, sont sûrs et efficaces pour prévenir les saignements.
Nous avons effectué des recherches dans 11 bases de données bibliographiques et 4 bases de données sur les essais en cours, dont le Registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL, 2016, numéro 4), MEDLINE (OvidSP, de 1946 au 19 mai 2016), Embase (OvidSP, de 1974 au 19 mai 2016), PubMed (publications électroniques uniquement : recherche effectuée le 19 mai 2016), ClinicalTrials.gov, l’ICTRP de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le registre ISRCTN (recherche effectuée le 19 mai 2016).
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés chez des personnes atteintes d'hématopathies malignes subissant une chimiothérapie intensive ou une greffe de cellules souches qui ont reçu soit une alternative à la transfusion de plaquettes (substituts de plaquettes artificielles, plasma pauvre en plaquettes, concentré de fibrinogène, facteur VII activé recombinant, desmopressine (DDAVP) ou analogues de la thrombopoïétine (TPO)), soit un comparateur (placebo, soins standard ou transfusion de plaquettes). Nous avons exclu les études sur les antifibrinolytiques, car elles ont fait l'objet d'une autre revue.
Deux auteurs de revue ont analysé toutes les références et tous les résumés d’articles issus de recherches électroniques ayant été identifiés par la stratégie de recherche de la revue. Deux auteurs de revue ont évalué le risque de biais dans les études incluses et ont extrait les données indépendamment.
Nous avons identifié 16 essais éligibles. Quatre essais sont en cours et deux sont terminés, mais les résultats n'ont pas encore été publiés (dates d'achèvement des essais) : d’avril 2012 à février 2017). Par conséquent, la revue a porté sur 10 essais dans 8 références avec 554 participants. Six essais (336 participants) n’incluaient que des participants atteints de leucémie myéloïde aiguë subissant une chimiothérapie intensive, deux essais (38 participants) incluaient des participants atteints d'un lymphome subissant une chimiothérapie intensive et deux essais (180 participants) ont signalé des participants subissant une greffe allogénique de cellules souches. Les deux sexes étaient également représentés dans les essais. La tranche d'âge des participants inclus dans les essais variait de 16 à 81 ans. Tous les essais ont été menés dans des pays à revenu élevé. Les fabricants de l'agent étudié ont parrainé huit essais, et deux essais n'ont pas indiqué leur source de financement.
Aucun essai n'a porté sur les substituts de plaquettes artificielles, le concentré de fibrinogène, le facteur VII activé recombinant ou la desmopressine.
Neuf essais ont comparé un analogue de la TPO à un placebo ou à un traitement standard ; sept d'entre eux utilisaient un facteur de croissance et de différenciation des mégacaryocytes humains recombinant pégylé (PEG-rHuMGDF) et deux utilisaient une thrombopoïétine humaine recombinante (rhTPO).
Un essai a comparé le plasma pauvre en plaquettes à la transfusion de plaquettes.
Nous avons considéré que tous les essais inclus dans cette revue présentaient un risque élevé de biais et la méta-analyse était impossible pour sept essais en raison de problèmes liés à la manière dont les données étaient présentées.
Nous ne savons pas avec certitude si les analogues de la TPO réduisent le nombre de participants présentant des saignements (rapport des cotes (RC) de 0,40, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,10 à 1,62 ; un essai ; 120 participants ; données probantes de très faible qualité). Nous ne savons pas avec certitude si les analogues de la TPO réduisent le risque de saignement menaçant le pronostic vital après 30 jours (RC 1,46 ; IC à 95 % de 0,06 à 33,14 ; trois essais ; 209 participants ; données probantes de très faible qualité) ou après 90 jours (RC 1,00, IC à 95 % de 0,06 à 16,37, un essai ,120 participants ; données probantes de très faible qualité). Nous ne savons pas avec certitude si les analogues de la TPO réduisent les besoins de transfusion de plaquettes après 30 jours (différence moyenne de -3,00 unités ; IC à 95 % de -5,39 à -0,61 ; un essai ; 120 participants ; données probantes de très faible qualité). Aucun décès n'est survenu dans les deux groupes à 30 jours (un essai, 120 participants, données probantes de très faible qualité). Nous ne savons pas avec certitude si les analogues de la TPO réduisent la mortalité toutes causes confondues à 90 jours (RC 1,00 ; IC à 95 % de 0,24 à 4,20 ; un essai ; 120 participants ; données probantes de très faible qualité). Aucun événement thrombo-embolique n'est survenu chez les participants traités par les analogues de la TPO ou les témoins à 30 jours (deux essais, 209 participants, données probantes de très faible qualité). Nous n'avons trouvé aucun essai portant sur : le nombre de jours où des saignements se sont produits, le temps écoulé entre la randomisation et le premier saignement ou la qualité de vie.
Un essai avec 18 participants a comparé la transfusion de plasma pauvre en plaquettes à la transfusion de plaquettes. Nous ne savons pas avec certitude si le plasma pauvre en plaquettes réduit le nombre de participants présentant des saignements (RC 16,00 ; IC à 95 % de 1,32 à 194,62 ; un essai ; 18 participants ; données probantes de très faible qualité). Nous ne savons pas avec certitude si le plasma pauvre en plaquettes réduit le nombre de participants présentant des saignements graves ou menaçant le pronostic vital (RC 4,00 ; IC à 95 % de 0,56 à 28,40 ; un essai ; 18 participants ; données probantes de très faible qualité). Nous n'avons trouvé aucun essai portant sur le nombre de jours où des saignements se sont produits, le temps écoulé entre la randomisation et le premier saignement, le nombre de transfusions de plaquettes, la mortalité toutes causes confondues, les événements thrombo-emboliques ou la qualité de vie.
Post-édition : Julie Bossée - Révision : Lorella Carozzi (M2 ILTS, Université Paris Diderot)