Les patients gravement malades présentent un risque d'infections fongiques invasives, telles que celles affectant la circulation sanguine et d'autres organes. Une fois établies, ces infections sont difficiles à traiter et entraînent une mortalité élevée. Les résultats de 12 essais randomisés démontrent que l'administration de médicaments antifongiques à des patients gravement malades réduit environ de moitié l'incidence des infections fongiques invasives et d'environ un quart la mortalité. Même si aucune augmentation des effets indésirables ou de la résistance des champignons n'a été rapportée par ces études, de tels effets ne sont pas exclus. Toutefois, la crainte que l'utilisation généralisée de médicaments antifongiques puisse favoriser une résistance des champignons justifie leur utilisation sélective chez les patients les plus exposés à un risque d'infections fongiques.
Le fluconazole ou le kétoconazole utilisés en prophylaxie chez les patients gravement malades réduisent de moitié les infections fongiques invasives et d'un quart la mortalité totale. Bien qu'aucune augmentation significative des espèces de Candida résistantes aux azoles, associée à une prophylaxie n'ait été démontrée, les essais n'avaient pas la puissance permettant d'exclure un tel effet. Chez les patients présentant un risque accru d'infections fongiques invasives, une prophylaxie antifongique par fluconazole doit être envisagée.
Les infections fongiques invasives, principales causes de morbidité et de mortalité chez les patients gravement malades, peuvent être évitées grâce à l'administration prophylactique d'agents antifongiques.
Cette étude a pour objectif d'identifier systématiquement et de résumer les effets de la prophylaxie antifongique, chez les patients adultes gravement malades non neutropéniques, sur la mortalité toutes causes confondues et sur l'incidence des infections fongiques invasives.
Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) (The Cochrane Library 36, Numéro 3), MEDLINE (de 1966 au 2 septembre 2005) et EMBASE (de 1980 à la semaine 36, 2005). Nous avons également effectué des recherches manuelles dans des bibliographies, les résumés des comptes rendus de congrès et de réunions scientifiques (1998 à 2004), et nous avons contacté les auteurs des études incluses et des fabricants de produits pharmaceutiques.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés, dans toutes les langues, comparant l'utilisation prophylactique de tout agent antifongique ou schéma thérapeutique antifongique à un placebo, à l'absence de traitement antifongique ou à un autre agent ou schéma thérapeutique antifongique chez des patients adultes gravement malades non neutropéniques.
Deux auteurs ont appliqué de manière indépendante des critères de sélection, ont effectué des évaluations de la qualité et extrait les données en utilisant une approche en intention de traiter. Nous avons résolu les différends par des discussions. Nous avons synthétisé les données en utilisant le modèle à effets aléatoires et exprimé les résultats en risques relatifs, avec des intervalles de confiance à 95 %.
Nous avons inclus 12 essais uniques (huit comparant le fluconazole et quatre le kétoconazole à l'absence d'agent antifongique ou à un agent non absorbable) impliquant 1606 patients randomisés. Pour les deux critères de jugement, à savoir la mortalité totale et les infections fongiques invasives, presque tous les essais du fluconazole et kétoconazole ont montré séparément une réduction non significative du risque avec une prophylaxie. En association, le fluconazole/kétoconazole réduisent la mortalité totale d'environ 25 % (risque relatif = 0,76 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,59 à 0,97) et les infections fongiques invasives d'environ 50 % (risque relatif = 0,46 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,31 à 0,68). Nous n'avons identifié aucune augmentation significative de l'incidence des infections ou des colonisations avec les pathogènes fongiques résistants aux azoles Candida glabrata ou C. krusei, bien que les intervalles de confiance des mesures de l'effet global aient été larges. Les effets indésirables n'étaient pas plus fréquents chez les patients recevant un traitement prophylactique. Les résultats dans tous les essais étaient homogènes malgré l'importante hétérogénéité des caractéristiques cliniques et méthodologiques.